
Allain Glykos - Texte
Francis Limerat - Dessins
Égéennes
« chaque île est un point de fuite pour qui n’a pas de perspectives ».
Car depuis quelques années ceux qui y appareillent ne cultivent que sobrement l’espoir. Il reste hypothétique et il s’agit avant tout de tenir jusqu’au soleil couchant et plus avant dans le nocturne.
De seuil en seuil demeure néanmoins l’attente. Elle est, là, de toujours. Au milieu du flot et du flou des êtres humains et du monde. Chaque île reste donc celle d’un mystère. Pourquoi est-il inexprimable sous peine de le faire mourir ?
Jean-Paul Gavard-Perret - lelitteraire.com

Égéennes
Αιγαίες
Francis Limérat
Allain Glykos
Edition bilingue
français/grec
traduit par
Stéphane Kamaris
présenté par
Patrick Berthomeau
Reproductions
48 dessins originaux de F. Limérat
collection d'art & d'autres
art / littérature
Format
15 x 21 cm
Couverture
couleur à rabats 350 g
impression sur couché mat
pelliculage mat
Intérieur
144 pages
impression sur offset blanc 120g
nombre d’exemplaires : 500
ISBN : 978-2-9540904-2-9
Mai 2018
édition courante 25 € ( disponible )
+ participation aux frais de port / poids 310g
édition de tête 150 € ( épuisée )
10 ouvrages accompagnés d’un dessin original 13 x 20 cm
Lavis et encre sur papier Arches poncé - signé et numéroté par Francis Limérat
Elles attendent.
Les vagues, sans doute. Entre ciel et mer, elles attendent.
Toutes les îles attendent.
Elles ne sont que rides d’un continent avorté. Platon avait décrit
le naufrage, nous tentons d’en retrouver le plan.
Où que j’aille, je devine des tracés. Ils ne mènent nulle part,
je les emprunte, ne les rends jamais.
Tout est signe, trace, symbole.
Diaspora, dispersion. Archipel de terres minuscules éparpillées
sur l’eau. Diaspora, dispersion. Les hommes et les femmes
ont porté leur semence sur tous les continents.
Il y a, dans chaque Grec, le souvenir d’une île qui lui donne l’air
de rêver et d’être seul au milieu des siens.
Voyager d’île en île est une traversée dans les contrées de l’âme.
Pour ceux qui en ont une, bien sûr.
Le migrant dit, j’ai failli mourir, ça en valait la peine.
Le fond de l’eau m’eût été plus doux que les bombes du ciel.
Allain Glykos - Égéennes - extrait

Né à Alger, Francis Limérat vit à Paris et dans l’Entre-deux-Mers en région bordelaise.
Peintre, sculpteur et dessinateur, ses œuvres ont fait l’objet de nombreuses expositions
en France et à l’étranger.
Elles sont présentes également dans de multiples collections publiques et privées.
Un ensemble important de son œuvre dessinée
a été exposé par les Musées des Beaux-Arts d’Angers et de Caen
à l’occasion de
la rétrospective Mémoires en promenade en 2008.
Héritières d’une histoire
de l’art abstrait,
ses recherches se développent sous
des formes spatiales
ou graphiques inscrivant
la notion de “dessin”
au cœur de ses préoccupations.
L’empreinte cartographique, fréquemment soulignée,
de ses géométries sensibles induit
une lecture erratique,
une invention de
parcours visuels
propres à la rêverie.
Depuis plusieurs décennies, il séjourne régulièrement dans
les Cyclades (Kythnos,
Kea, Santorini et, plus particulièrement, Amorgos). Carnet
de croquis en poche, chaque promenade permet la récolte de relevés ou d’impressions.
L’été grec et son soleil
lui offrent le chromatisme de la terre brûlée et
la définition graphique
de sa topographie, quand la mémoire de la lave réveille la luminescence du noir volcanique.

Allain Glykos, né de père grec et de mère charentaise vit
à Bordeaux, où il a enseigné, à l’Université, l’épistémologie.
Il est rédacteur en chef des Cahiers art et sciences, domaine auquel il a consacré plusieurs années de recherche.
Il a écrit une vingtaine
de romans, récits, nouvelles, recueils
de poésie.
L’essentiel de ses ouvrages parle de la mémoire et de l’exil.
En particulier celui
de son père, Grec d’Asie-Mineure, dont une partie
de la famille fut massacrée par les troupes de Mustafa Kemal, lors de l’exode forcé de 1922.
Allain Glykos a consacré
à cet épisode trois livres :
un roman, Parle-moi de Manolis, traduit en grec,
un livre pour la jeunesse, Manolis de Vourla
et un roman graphique,
Manolis, avec le
dessinateur Antonin.
Avec Égéennes,
il continue d’explorer
son rapport à la Grèce,
en visitant les îles
de la mer Égée, sans
en nommer une seule.
Il porte un regard lucide
et tendre sur ces bouts
de terre que la mer caresse et dévore ;
sur la vie des Hommes
qui les habitent, les façonnent et subissent
la poétique rugueuse
de leurs paysages.
Pétales déposés sur l’eau
Les îles grecques sont souvent écrites ou montrées comme un paradis et l’espace de la rêverie. Elles ramènent, dans leur bain de soleil, à ce que Kazantzakis – cité en exergue – nomme “l’immortelle nudité de la Grèce”. Mais ici la vision change : « Les îles attendent ». On ne sait pas à priori qui. Le poète et l’artiste tentent de retrouver le plan de ces « orphelines de la mer » qui vont en appeler d’autres. Pour les atteindre, il arrive parfois que certains s’attachent à un mat. Est-ce la meilleure solution ?
Nul ne le sait avant d’aller jusque dans les « frottements d’élytres » et dans l’aridité sans fond des îles où fermentent « les ruades souterraines qui ont façonné les reliefs ». Chaque île devient un pétale déposé sur l’eau. A d’autres pétales plus mobiles d’y aborder pour soit venir, finir, rester ou se souvenir de ce dont nul ne possède la mémoire.
Mais c’est là un exercice de dépouillement minéral que les images de Limerat dessinent sobrement de lignes noires sur fond bistres et qui deviennent de fragiles incises pour dessiner le dos de l’île. S’ouvre finalement le chant des exilés qui les rejoignent.
Dès lors, « chaque île est un point de fuite pour qui n’a pas de perspectives ».Car depuis quelques années ceux qui y appareillent ne cultivent que sobrement l’espoir. Il reste hypothétique et il s’agit avant tout de tenir jusqu’au soleil couchant et plus avant dans le nocturne.
De seuil en seuil demeure néanmoins l’attente. Elle est, là, de toujours. Au milieu du flot et du flou des êtres humains et du monde. Chaque île reste donc celle d’un mystère. Pourquoi est-il inexprimable sous peine de le faire mourir ?
Les exilés y viennent pour ne pas sacrifier à la mort. Et les images de Limerat permettent de le faire « entendre » leur appel. Partager leur secret n’exige pas de garder le silence. Au contraire, il faut parler ce que notre société tente de biffer et d’oublier.Alain Glykos & Francis Limerat,



